10 mars 2014

Mordicus à Stéréo-Séquence

Chronique sur Mordicus
Stéréo-Séquence, le 23 février 2014 (mis en ligne le 6 mars 2014)


J’éprouve une faiblesse singulière pour les accents. Mes jambes ramollissent comme du coton quand j’entends causer les Français. Les Britanniques me font le même effet. Plus près de chez nous, les inflexions néo-brunswickoises et gaspésiennes me font rêver de grands espaces bleutés. Et que dire de l’argot du Lac-Saint-Jean? Je l’adore, celui-là. Parfois, je me surprends à parler comme si j’étais native de Saint-Félicien. J’ai peut-être des ancêtres là-bas, qui sait. Ou alors, mon escale dans le Rang Double Nord a déposé sur ma langue quelques traces tenaces.

Je suis également très bon public, surtout pour les bonnes vieilles blagues régionales. En fait, je rigole même quand je les connais par cœur, c’est tout dire. Je me rends compte très vite que ce tournage avec Mordicus ne sera pas des plus sérieux. À croire que les gars de Chicoutimi ont reçu le don de faire rire en héritage.

D’ailleurs, c’est déjà l’hilarité générale dans le van du band, où l’on s’entasse comme des sardines pour gravir la côte du Passage en sortant du traversier Québec-Lévis. Ce qui fait qu’on n’est pas loin d’une douzaine au total. Une joke n’attend pas l’autre tandis que le tape à cassettes (!) nous crache aux oreilles des vieux succès (à prononcer avec l’accent du Saguenay, SVP). Ça donne le goût de partir en tournée ou en road trip aux USA.

Le tournage a lieu au Studio 109, un repaire d’artistes lévisiens fort habiles avec le bois. Pendant que je zieute les futures œuvres et pose des questions à nos hôtes-créateurs Marie-Claude et Julien, l’équipe de Stéréo-Séquence s’installe pour la captation. Les musiciens, eux, branchent leurs instruments en se décapsulant une Labatt 50. Il n’est que 13 h. On peut sortir les gars du Lac, mais pas le Lac des gars, comme on dit. Fidèles à leur réputation de bouffons, ils se parent d’accessoires dénichés dans l’atelier : coquilles antibruit, lunettes de sécurité, casque de soudure, marteau, ruban à mesurer… Se costumer à la YMCA ajoutera-t-il une dose supplémentaire de testostérone à leur prestation? J’en doute.

C’est plutôt leur musique qui est virile et musclée. La guitare électrique me rentre dans le corps et les premiers coups de baguette sur le drum doivent s’entendre jusqu’à la rive nord. C’est fort, ça sonne comme une tonne de briques. Mes pieds et ma tête battent la mesure et j’ai comme une envie soudaine de m’allumer une clope et d’écluser une p’tite frette. Comme dans le temps. Dans mon cœur, j’ai à nouveau 15 ans. Je regarde les garçons, les musiciens, et j’ai la nette impression qu’aucun d’entre nous ici n’a réellement quitté l’adolescence.

Des fous rires, de la bière, du bon rock pesant : tous les ingrédients sont là aujourd’hui pour nous garder jeunes longtemps.