26 mars 2014

Naître ou ne pas naître : femmes en marge

Chronique sur le webzine culturel Mauvaise Herbe
Le 25 mars 2014

Chronique 2 de 2 sur la maternité


Je n’ai jamais ressenti le désir d’être mère. Faire pousser des bébés a toujours été pour moi un concept étrange et flou. Je ne deviens pas gaga devant un nouveau-né, mon ventre me tiraille seulement quand je suis menstruée, et si l’envie me prend d’écumer les bars un vendredi soir, ce n’est pas pour me dénicher un potentiel géniteur. L’horloge biologique? Connais pas.

Pourtant, j’aime les enfants. La plupart du temps. C’est comme avec les adultes : il y en a avec qui ça clique, d’autres pas. Dans les partys, ça arrive que je m’assoie avec les petits parce que je m’ennuie avec les grands. Alors oui, je les apprécie, ces humains miniatures qui bousculent nos certitudes et nous reconnectent avec les vraies affaires. Même si souvent, ils m’irritent, m’énervent, me dérangent. Vous aussi, dites pas le contraire. Que celle – ou celui – qui n’a jamais eu envie de troquer ses flots pour sa vie d’avant me jette la première pierre.


J’ai plus de vie, mais ça m’apporte tellement!

On l’entend souvent, celle-là. Habituellement, c’est suivi par « t’as pas peur qu’un jour, ça finisse par te manquer de ne pas en avoir? »

Le manque – besoins primaires exclus – est relié à la mémoire, au vécu. Un exemple facile à comprendre? La drogue. Le manque se fera sentir si on a déjà consommé. Dans cette logique, comment peut-on avoir des regrets pour quelque chose que l’on ne connaît pas, et que l’on n’a jamais expérimenté? J’ai questionné Gisèle* à ce propos, et c’est ce qu’elle m’a rétorqué. À 56 ans, elle est certaine d’avoir pris la bonne décision : les enfants, elle n’en voulait pas, ce n’était pas pour elle. Elle n’a pas peur de vieillir et de mourir seule, elle est bien entourée. Elle se voit plus tard dans une grande maison avec ses meilleurs amiEs,  où chacun prend soin l’un de l’autre.

C’est ce qui arrive quand on n’a personne à materner : on se développe le réseau social en se matchant avec des gens qui nous ressemblent. Et on entretient nos relations. Ça aussi, ça comble et ça nourrit. Souvent, on « remplace » la procréation par la création. On a du temps pour s’inventer des talents, de toute façon.


Tu veux pas d’enfant? Ben voyons! Comment ça, donc?

Mon amie Caro* déteste ce genre d’interrogatoire. Quoi répondre? Que pour elle, ça représente un manque total d’intérêt? Qu’elle n’aime pas que son horaire soit structuré, planifié, encadré, bousculé? Que c’est immensément impliquant et qu’elle sait qu’elle n’a pas l’énergie nécessaire pour un tel engagement? Que sa vie actuelle la satisfait pleinement? Et surtout, qu’elle n’a juste pas l’appel, qu’elle le sent en dedans d’elle qu’elle n’en veut pas, tout autant probablement que celle qui éprouve le désir poignant d’être maman?

C’est une question qui mérite d’être posée avec sensibilité et délicatesse. Car souvent, peu importe les raisons qui motivent notre refus de procréer, on perçoit le jugement dans le regard de l’autre. Est-ce que je suis un monstre, une ingrate, une égoïste, une pure égocentrique si j’ai peur de m’engager? Parce que ça peut être ça, également. La peur de l’engagement. Avoir des enfants, c’est comme un mariage où le divorce n’est aucunement envisageable.


C’est tellement beau, une femme enceinte

Se sent-on marginalisée quand on fait le choix de ne pas enfanter? Non. Mais honnêtement, lorsqu’on se retrouve dans une soirée où les mères sont en avantage numérique, on a vraiment l’impression d’être une extraterrestre.

Et vous savez quoi? Contrairement à ce qu’on veut parfois nous faire croire, on n’est pas moins « femme » en refusant de donner la vie. La maternité n’a rien à voir avec la féminité, ni avec l’épanouissement, ni avec le sentiment d’accomplissement, ni avec le fait de se réaliser personnellement.

Avoir des enfants, c’est d’abord et avant tout un choix. Nous avons la chance aujourd’hui de pouvoir faire ce choix. Il est primordial de respecter les décisions que prennent les femmes en ce sens, peu importe leur âge, leurs croyances, leurs valeurs. Sans juger, critiquer, condamner. Parce qu’au fond, ce qui compte vraiment, c’est d’être bien, non?

Voilà. Liberté et bonheur.


*prénoms fictifs