Chronique sur le webzine culturel Mauvaise Herbe
Le 25 mars 2014
Chronique 2 de 2 sur
la maternité
Je n’ai jamais ressenti le désir d’être mère. Faire pousser
des bébés a toujours été pour moi un concept étrange et flou. Je ne deviens pas
gaga devant un nouveau-né, mon ventre me tiraille seulement quand je suis
menstruée, et si l’envie me prend d’écumer les bars un vendredi soir, ce n’est
pas pour me dénicher un potentiel géniteur. L’horloge biologique? Connais pas.
Pourtant, j’aime les enfants. La plupart du temps. C’est
comme avec les adultes : il y en a avec qui ça clique, d’autres pas. Dans
les partys, ça arrive que je m’assoie avec les petits parce que je m’ennuie
avec les grands. Alors oui, je les apprécie, ces humains miniatures qui
bousculent nos certitudes et nous reconnectent avec les vraies affaires. Même
si souvent, ils m’irritent, m’énervent, me dérangent. Vous aussi, dites pas le
contraire. Que celle – ou celui – qui n’a jamais eu envie de troquer ses flots pour
sa vie d’avant me jette la première pierre.
J’ai plus de vie,
mais ça m’apporte tellement!
On l’entend souvent, celle-là. Habituellement, c’est suivi
par « t’as pas peur qu’un jour, ça finisse par te manquer de ne pas en
avoir? »
Le manque – besoins primaires exclus – est relié à la
mémoire, au vécu. Un exemple facile à comprendre? La drogue. Le manque se fera
sentir si on a déjà consommé. Dans cette logique, comment peut-on avoir des
regrets pour quelque chose que l’on ne connaît pas, et que l’on n’a jamais
expérimenté? J’ai questionné Gisèle* à ce propos, et c’est ce qu’elle m’a
rétorqué. À 56 ans, elle est certaine d’avoir pris la bonne décision : les
enfants, elle n’en voulait pas, ce n’était pas pour elle. Elle n’a pas peur de
vieillir et de mourir seule, elle est bien entourée. Elle se voit plus tard dans
une grande maison avec ses meilleurs amiEs, où chacun prend soin l’un de l’autre.
C’est ce qui arrive quand on n’a personne à materner :
on se développe le réseau social en se matchant avec des gens qui nous
ressemblent. Et on entretient nos relations. Ça aussi, ça comble et ça nourrit.
Souvent, on « remplace » la procréation par la création. On a du
temps pour s’inventer des talents, de toute façon.
Tu veux pas d’enfant?
Ben voyons! Comment ça, donc?
Mon amie Caro* déteste ce genre d’interrogatoire. Quoi
répondre? Que pour elle, ça représente un manque total d’intérêt? Qu’elle n’aime
pas que son horaire soit structuré, planifié, encadré, bousculé? Que c’est immensément
impliquant et qu’elle sait qu’elle n’a pas l’énergie nécessaire pour un tel
engagement? Que sa vie actuelle la satisfait pleinement? Et surtout, qu’elle
n’a juste pas l’appel, qu’elle le sent en dedans d’elle qu’elle n’en veut pas,
tout autant probablement que celle qui éprouve le désir poignant d’être maman?
C’est une question qui mérite d’être posée avec sensibilité
et délicatesse. Car souvent, peu importe les raisons qui motivent notre refus
de procréer, on perçoit le jugement dans le regard de l’autre. Est-ce que je
suis un monstre, une ingrate, une égoïste, une pure égocentrique si j’ai peur
de m’engager? Parce que ça peut être ça, également. La peur de l’engagement.
Avoir des enfants, c’est comme un mariage où le divorce n’est aucunement
envisageable.
C’est tellement beau,
une femme enceinte
Se sent-on marginalisée quand on fait le choix de ne pas
enfanter? Non. Mais honnêtement, lorsqu’on se retrouve dans une soirée où les mères
sont en avantage numérique, on a vraiment l’impression d’être une
extraterrestre.
Et vous savez quoi? Contrairement à ce qu’on veut parfois
nous faire croire, on n’est pas moins « femme » en refusant de donner
la vie. La maternité n’a rien à voir avec la féminité, ni avec l’épanouissement,
ni avec le sentiment d’accomplissement, ni avec le fait de se réaliser personnellement.
Avoir des enfants, c’est d’abord et avant tout un choix.
Nous avons la chance aujourd’hui de pouvoir faire ce choix. Il est primordial
de respecter les décisions que prennent les femmes en ce sens, peu importe leur
âge, leurs croyances, leurs valeurs. Sans juger, critiquer, condamner. Parce
qu’au fond, ce qui compte vraiment, c’est d’être bien, non?
Voilà. Liberté et bonheur.
*prénoms
fictifs