25 novembre 2013

Quand l’amour fout le camp

Chronique sur le webzine culturel Mauvaise Herbe
Le 21 novembre 2013
http://www.mauvaiseherbe.ca/2013/11/21/quand-lamour-fout-le-camp/


C’est dans l’air du temps. Même si le sujet semble élimé, usé : les relations amoureuses s’effritent au même rythme que la mode définit la tendance d’une saison.

Autour de moi, très peu de gens survivent à la vie de couple. À l’achat d’une maison. À la venue d’un enfant. À la grisaille de novembre aussi qui parfois, tel un typhon, s’abat sur nos existences tellement confortables, laissant quelques cœurs en miettes au passage. Des êtres qui se retrouvent de nouveau seuls, aigris, désabusés, choqués de ne pas avoir pu, de ne pas avoir su.

Et les autres, ceux qui y arrivent contre vents et marées, comment font-ils? Quel est leur secret, quelles sont leurs motivations? Outre le désir de procréation, quelles sont les raisons qui les poussent à la cohabitation? Un covoiturage Québec-Montréal m’a amenée dernièrement à participer à un Cercle de discussion organisé autour de ce thème. Intitulé Pourquoi vivre en couple?, la soirée réunissait quelques femmes dans la trentaine.

J’ai donc été témoin des angoisses, des inquiétudes et des appréhensions de cette génération qui s’interroge sur la nécessité de coexister et qui remet en question le modèle qui nous a été légué. Témoin aussi de cette difficulté à s’adapter à l’autre, à l’accepter tel qu’il est et à lui accorder du temps, ce temps si essentiel à l’épanouissement amoureux.

Est-ce l’époque? Est-ce notre vie d’adulte complètement surchargée et survoltée qui nous pousse à consommer les relations de la même façon? Comment peut-on en arriver à foutre le camp à la moindre contrariété, à éviter les obstacles sans même tenter, un peu, de les surmonter? Est-ce par paresse, ou par ivresse de vivre sans cesse quelque chose de nouveau?

Malheureusement, Ricardo n’a pas encore inventé la recette de la vie de couple parfaite. Et moi, après multiples essais et erreurs, observations, interminables discussions et lectures de toutes sortes, je n’ai toujours pas de réponse. Inutile d’étirer la sauce : je vais plutôt vous partager le fruit de mes réflexions spontanées. Ce qui suit est un texte que j’ai concocté pour une soirée slam/poésie à laquelle j’ai participé lundi dernier, à Québec.

Être « en amour » n’est assurément pas la seule voie pour évoluer et trouver le bonheur, mais ça aide, selon certains. Alors, si par le plus heureux des hasards vous déteniez l’ingrédient miracle à la réussite d’une vie à deux, je vous invite à propager la bonne nouvelle. Parce que c’est quand même rassurant, d’avoir quelqu’un qui nous attend.


Les menteries

Les pétales de rose sur le couvre-lit
Les crêpes le sirop le café le dimanche matin
La robe de bal, le jonc dans son écrin
La jolie et blanche et immense maison
L’escalier en colimaçon
Les marmots tellement fins, tellement beaux
Qui courent après le chien dans le jardin
Oublie ça ma grande, je t’ai menti
C'est pas d’même que ça se passe dans vie

Je voulais juste calfeutrer la misère
La famine les génocides les guerres
Qui résulte du manque de compassion et d'empathie
D'âmes creuses et vides de toute poésie
Je voulais que tu trouves le monde beau
Que tu sois comme les autres petites filles
Qui regardent le ciel avec des lunettes en forme de cœurs
Qui pense que la vie c’est comme dans les films de princesses
Avec des lutins, des chevaliers pis des animaux qui parlent
Des histoires de bien et de mal
Mais qui finissent toujours bien, avec une belle morale
Oublie ça ma grande, c'est du roman
Les crapauds se transforment pas en Princes charmants

Au fond, j’aimerais ça moi aussi y croire
Aux grandes histoires d’amour
L'âme sœur rencontrée dans un café
Les retrouvailles sur les quais de gares
Les frenchs mouillés dans les ruelles de Limoilou
Sous une pluie fine du mois d'août
Les promesses d'amour en haut de la tour Eiffel la veille de Noël
Les patinoires et les lacs gelés où on se tient la main, gênés,
Des flocons de neige dans les yeux en guise d'étincelle
Mais c'est juste du cinéma
Ça arrive des fois, mais ça dure pas

La petite flamme qui t'habite
Qui porte le même nom que l'organe dans ta poitrine qui palpite
Elle va vaciller souvent
Elle va même s'éteindre par moment
Parce que le cœur, c'est un océan de bonheur
Mais c'est aussi un volcan de douleurs
Tu vas souffrir ma grande
Tu vas vouloir mourir tellement l'amour va t'écorcher te briser te dépecer
Mais aussi te foudroyer t'emporter t'exalter
C'est pour ça qu'on y revient toujours
Même si ça fait mal

Parce que les premiers instants éclipsent les tourments
Et l'emprise des passions est plus forte que la raison
C'est comme une drogue, c'est malsain
Mais c'est tellement enivrant en même temps
Tu vas vouloir recommencer
Une dernière dose, promis juré
Et le cycle amoureux va se perpétuer
Encore et encore et encore...

J'aimerais ça ma grande te dire
Que le sentiment amoureux est un mensonge
Que c'est une attirance chimique
Une impulsion physiologique
Qui sert à la procréation
Que l'amour, le vrai
C'est celui qui se développe lentement
C'est celui qui accepte l'autre pour ce qu'il est en dedans
C'est celui qui célèbre la différence qui glorifie l'indépendance
C'est celui qui, malgré les crises et les angoisses existentielles
Dure et perdure dans le temps
L'amour, le vrai
C'est ce qui nous rattache à la vie
C'est ce qui lui donne un sens
C'est ce qui nous donne envie de sauver le monde de sa déchéance

Sinon, un matin tu vas te réveiller
D'un sommeil agité englué de rêves troublants
Juste à l'aube de tes 40 ans
Toute seule, pas d'amant, pas d'enfant
Prisonnière d'un monde d'illusion de fausse magie
De contes de fées engraissés à la nostalgie
Prise dans le vertige de cette époque de grande vitesse
Qui encourage l'éternelle jeunesse
Où les relations sont interchangeables
Comme toute chose consommable