12 novembre 2013

Groenland à Stéréo-Séquence

Chronique sur Groenland
Stéréo-Séquence, le 13 juillet 2013 (mis en ligne en octobre 2013)

C’est un samedi caniculaire empreint d’une douce fatigue. Celle qui envahit le corps après dix jours à vénérer la musique sous un soleil ardent qui tarde à éteindre l’horizon, ou sous une pluie tiède qui se déverse en trombe, sans arriver à rafraîchir l’air saturé d’humidité. Peu importe le climat, ma tribu de mélomanes et moi sommes imperméables à toute forme de caprice météorologique.

Plusieurs personnes se sont cogné le nez à la porte du Cercle plus tôt en soirée. Invitée par le Festival d’été de Québec, la formation montréalaise Groenland aurait pu facilement remplir le Pigeonnier, ou du moins l’Impérial. Il faut croire que parfois, le talent n’est pas détecté à temps.

Mais on a de la chance les garçons et moi, car nous aurons droit à une petite prestation privée.

Le tournage a lieu chez Jay, dans sa cour arrière. C’est la campagne en ville ici : le bois de chauffage côtoie les bacs à compost, la vieille shed est gardée par deux crânes de chevreuils et les plants de tomates font de l’œil aux fines herbes. Un style champêtre pour une pop indie électro-orchestrale très urban. Métissage des genres.

Pendant que les garçons s’affairent et que le « hard rock » dégoulinant de testostérone de Foreigner et Def Leppard attire les nostalgiques sur les Plaines, je m’imprègne de l’atmosphère des lieux et me désaltère le gosier. Le voisin est sur un trip Beatles, ce qui n’est pas pour me déplaire. Le crépuscule teinte doucement la cour; quelques ampoules nues se balancent sur la corde à linge. La lumière est belle.

Je fredonne encore les hymnes du Fab Four lorsque les six membres du band font leur entrée. Accompagnés de leurs instruments, ils prennent place sur le sol tapissé de gravier. Trois, deux, un, action! Premier plan sur les crânes au-dessus de la shed. En toile de fond sonore, les grelots tintent et la chanteuse arrime sa jolie voix à son ukulélé. Mes yeux suivent le parcours de la caméra, qui capte au passage les acteurs donnant vie à cette nouvelle pièce intitulée Don't Fix Me Yet. Le violoncelle se fait à la fois léger et langoureux; la basse imprime son rythme à celui des percussions; et le violon, dont les envolées sont magnifiquement maîtrisées par sa muse perchée sur le toit d’une descente de cave, m’achève et me donne le frisson.

Avant aujourd’hui, je connaissais peu Groenland. Et voilà qu’au son de la dernière note qui s’éteint doucement dans les vapeurs humides de cette chaude soirée d’été, je ressens un véritable coup de foudre musical.

Je sais à ce moment précis que The Chase tournera en boucle dans mes oreilles jusqu’à la lie.



– Julie Bouchard