Chronique sur Groenland
Stéréo-Séquence, le 13 juillet 2013 (mis en ligne en octobre 2013)
C’est un samedi caniculaire empreint d’une douce fatigue. Celle qui envahit le corps après dix jours à vénérer la musique sous un soleil ardent qui tarde à éteindre l’horizon, ou sous une pluie tiède qui se déverse en trombe, sans arriver à rafraîchir l’air saturé d’humidité. Peu importe le climat, ma tribu de mélomanes et moi sommes imperméables à toute forme de caprice météorologique.
Plusieurs personnes se sont cogné
le nez à la porte du Cercle plus tôt en soirée. Invitée par le Festival d’été
de Québec, la formation montréalaise Groenland
aurait pu facilement remplir le Pigeonnier, ou du moins l’Impérial. Il faut
croire que parfois, le talent n’est pas détecté à temps.
Mais on a de la chance les
garçons et moi, car nous aurons droit à une petite prestation privée.
Le tournage a lieu chez Jay, dans
sa cour arrière. C’est la campagne en ville ici : le bois de chauffage côtoie
les bacs à compost, la vieille shed est gardée par deux crânes de chevreuils et
les plants de tomates font de l’œil aux fines herbes. Un style champêtre pour
une pop indie électro-orchestrale très urban.
Métissage des genres.
Pendant que les garçons s’affairent
et que le « hard rock » dégoulinant de testostérone de Foreigner et
Def Leppard attire les nostalgiques sur les Plaines, je m’imprègne de
l’atmosphère des lieux et me désaltère le gosier. Le voisin est sur un trip
Beatles, ce qui n’est pas pour me déplaire. Le crépuscule teinte doucement la
cour; quelques ampoules nues se balancent sur la corde à linge. La lumière est
belle.
Je fredonne encore les hymnes du
Fab Four lorsque les six membres du band font leur entrée. Accompagnés de leurs
instruments, ils prennent place sur le sol tapissé de gravier. Trois, deux, un,
action! Premier plan sur les crânes au-dessus de la shed. En toile de fond
sonore, les grelots tintent et la chanteuse arrime sa jolie voix à son ukulélé.
Mes yeux suivent le parcours de la caméra, qui capte au passage les acteurs
donnant vie à cette nouvelle pièce intitulée Don't Fix Me Yet. Le violoncelle se fait à la fois léger et
langoureux; la basse imprime son rythme à celui des percussions; et le violon,
dont les envolées sont magnifiquement maîtrisées par sa muse perchée sur le
toit d’une descente de cave, m’achève et me donne le frisson.
Avant aujourd’hui, je connaissais
peu Groenland. Et voilà qu’au son de la dernière note qui s’éteint doucement
dans les vapeurs humides de cette chaude soirée d’été, je ressens un véritable coup
de foudre musical.
Je sais à ce moment précis que The Chase tournera en boucle dans mes
oreilles jusqu’à la lie.
–
Julie Bouchard