27 avril 2014

À poil, toutes!

Chronique sur le webzine culturel Mauvaise Herbe
Le 17 avril 2014

Il y a quelques mois, le poil a fait l’objet de plusieurs discussions sur les forums et les réseaux sociaux. On y faisait état des dangers potentiels liés à l’épilation intégrale, notamment la prolifération de bactéries pathogènes ainsi que les risques d’infections et de maladies transmissibles. On se questionnait sur son utilité, tout en encourageant le « retour au naturel », autant chez l’homme que chez la femme. Car si l’être humain en est pourvu, ceux-ci doivent bien servir à quelque chose, non?

Début avril, ma collègue Marielle Couture déposait sur Facebook une série de photos de femmes splendides exposant leurs aisselles non épilées. Elle commentait le reportage en disant qu’elle ne voit aucune gêne à arborer le poil chez elle, dans son joli village de Sainte-Rose-du-Nord, mais que subsiste en elle une parcelle de conditionnement qui lui dicte de se raser lorsqu’elle se retrouve « en société ».

On a beau vouloir s’en défaire, s’en débattre, les standards esthétiques qui nous ont été inculqués depuis nos jeux de poupées nous ont marquées de profonds stigmates.

Je me considère comme féministe. Je ne suis pas radicale, mais je partage une grande partie des opinions de mes consoeurs. Parce que je trouve ça juste logique, parce que pour moi ça va de soi que la femme est l’égale de l’homme. Mais malgré mes convictions, je suis une fashion victim et me conforme – de façon assez minime, tout de même – aux « conventions » féminines. Je me déteste pour ça. Je travaille fort sur moi pour ne pas constamment succomber aux tendances saisonnières si vite passées (et oubliées). Je mène un combat perpétuel pour me sortir du piège de la surabondance et de l’overachievement1. Et, comble de malheur – ou de bonheur, c’est selon – je suis célibataire, donc je m’impose d’être toujours « à mon meilleur », au cas où je ferais une rencontre inattendue. Même un soir de semaine.

Alors j’ai l’aisselle glabre TOUS LES JOURS. Ma ligne de sourcil est loin d’être parfaite, mais rien ne dépasse : j’y traque les indésirables chaque matin. Heureusement, je suis moins freak au niveau de la jambe, surtout en période froide – j’ai donc un bon répit d’au moins huit mois.

J’écris ça et j’ai honte. Je suis hyper conditionnée. Au point où lorsque je vois une fille qui n’est pas rasée de près, ça m’agace. Pire : je trouve ça LAID.


Fais-toi pas le poil Estelle, c’est naturel

Le poil est une mode. Il fait partie d’un cycle. Depuis quand déjà la barbe est-elle synonyme de branchitude? Dans peu de temps, on verra sa popularité décliner et le pelage au menton, si sexy soit-il aujourd’hui, sera honni. En attendant, même la Madone a jeté aux orties son Epilady, dévoilant sur son compte Instagram, en mars dernier, un selfie de son aisselle duveteuse (ceci dit, je ne trouve pas ça moins laid parce que c’est Madonna).

Si la tendance se maintient, le crin féminin deviendra réellement un style incontournable, instaurant, du coup, la notion de « normalité ». Nous, les femmes, assumerons pleinement notre pilosité naturelle. Plus un seul rasoir polluera les sites d’enfouissement et Gillette misera sur des crèmes adoucissantes et colorantes pour éviter la faillite et ajouter un brin de fantaisie à nos toisons.

Qui sait, je vais peut-être finir par trouver ça beau, le poil de t’sour.


1 Overachievement : on peut traduire, en français, par « suraccomplissement ».