Le 20 février 2013
http://www.mauvaiseherbe.ca/2014/02/20/naitre-ou-ne-pas-naitre-quand-les-gars-se-font-tasser/
Chronique 1 de 2 sur
la maternité
Aaah les gars. Si vous saviez.
Vous pouvez même pas imaginer. Nos rêves de petites filles
tricotés à même une blondasse aux seins plantureux usinée en série chez Mattel.
Son mâle au sourire plastique qui la sortait de sa maison tout confort pour se
pavaner au resto le samedi soir, la couvrant de fleurs et de bijoux de
pacotille. « Je t’emmènerais en
voyage / Voir les plus beaux pays du monde / Te ferais l’amour sur la plage /
En savourant chaque seconde », chantait Diane Tell. On y croyait
tellement.
Ado, on se rejouait le même scénario tous les soirs dans
notre tête. Juste avant que le sommeil nous projette lui aussi une panoplie de
songes kitsch sur fond d’écran rose fuchsia. Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants. Toutes nos
attentes envers la vie reposant sur cette douce utopie.
Comme nous étions candides.
Au fil des années, nos rêves se sont matérialisés. Enfilade
d’essais/erreurs. L’amour en montagnes russes. Le cœur qui cogne trop fort. La
sueur des premiers émois. Les étoiles de manga dans nos yeux en pâmoison. Les
perles de larmes et de sang dans les draps. Les désillusions, les trahisons,
l’ennui. Les braises qui s’éteignent doucement et virent au gris.
Plus tard, nous avons laissé tomber nos fantasmes de petites
filles romancées et sommes devenues des femmes pragmatiques et libres. Libres
d’être, de choisir.
Obtenir les mêmes choses que les gars.
Et enfanter toute seule.
***
C’est l’histoire d’Isabelle*, 39 ans. Elle me parle de sa
dernière rupture. Ses propos ne sont pas amers, mais plutôt empreints d’une
fatale lucidité. De nouveau célibataire à l’aube de la quarantaine, elle
réalise qu’elle n’a plus beaucoup de temps devant elle pour devenir maman. Mais
elle a un plan de rechange.
Il y a aussi Karine*, 32 ans, mère d’un enfant IAD1.
Elle en est à sa deuxième insémination afin d’offrir à sa fille un petit frère
ou une petite sœur. Ayant vécu beaucoup trop de relations cahoteuses, cette
belle brune déterminée s’était fixé un but : être déjà maman à 30 ans.
Avec ou sans homme dans le collimateur.
Pour Isabelle, l’insémination artificielle est une affaire
de temps et de circonstances; pour Karine, c’est un choix fait en toute
conscience. Si le cas de Karine vous semble particulièrement weird, sachez qu’elle est loin d’être la
seule : c’est dans l’air du temps, comme ils disent.
D’ailleurs, au moment où j’en discute avec elles, je lis Les tranchées de Fanny Britt, un recueil
de fragments magnifique où de jeunes femmes se questionnent entre autres sur la
maternité, celle vécue au sein du couple standard ou celle que l’on décide
d’expérimenter… en solo.
Isabelle et Karine n’ont pas cessé de croire à l’amour, ni à
la vie de couple. Mais elles veulent des enfants. C’est fondamental pour elles
et ça fait partie d’une importante quête de sens. Et comme bien des femmes engluées
dans cette ère de surconsommation relationnelle, elles en ont assez d’attendre « le
bon ». Maintenant que la procréation médicalement assistée est offerte
gratuitement, elles ont les moyens d’y arriver autrement. Elles appartiennent à
une nouvelle génération de familles; elles sont monoparentales par choix.
Ça y est. En 2014, on en est là. On peut désormais se
permettre de se passer des hommes sur tous les fronts. Comment vous
sentez-vous, les gars? Avez-vous l’impression de vous faire chosifier? À quoi
servez-vous maintenant, si vos performances au lit ne sont plus indispensables pour
créer la vie?
Juste pour vous rassurer, et vous démontrer que les femmes
qui veulent enfanter seules ont tout de même « besoin » de vous, je
vais citer un extrait des Tranchées :
« Mon envie d’avoir un enfant ne me
fait pas chercher un homme à tout prix pour combler cette envie-là, puisque je
sais que je peux en avoir un toute seule. Je cherche un homme pour être en
amour. Point. »
Isabelle et Karine sont du même avis. Elles sont persuadées qu’en
étant comblées par la marmaille, elles auront moins d’attentes et d’exigences
envers un éventuel partenaire. Finie, la pression. Les gars sont un « bonus »,
un « petit plus ».
Des Ken de chair et d’os qui, elle l’espèrent, déposeront à
nouveau des étoiles de manga dans leurs yeux.
1 insémination artificielle avec sperme de
donneur
*prénoms fictifs