La crise.
Elle menace de surgir à tout
moment, tapie quelque part derrière les paupières lourdes de fatigue. Ne pas
ouvrir les yeux. Ne plus vouloir s’éveiller au petit matin. Le chagrin dans un
écrin. Vouloir dormir, dormir, jusqu’à en mourir. Étouffer le réel de songes.
Troquer le quotidien pour une parcelle de rêves.
Les larmes, enfin. Elles se
déversent sans retenue, barbouillant les joues creusées par le vide.
S’extirper tout de même du
lit. Se foutre de son reflet dans le miroir, les yeux collés d’insomnie. Ne
plus jamais déjeuner, l’estomac noué. Maigrir à vue de nez.
Arriver au bureau. Se coller
la rétine sur un écran pendant des heures. Affalée sur une chaise, dos voûté sous le poids des responsabilités. Vite, vite,
performer. Salaire assuré; rentabilité exigée.
Avoir envie de crier.
Pause lunch en compagnie de
ses amis virtuels. Faire croire au monde entier agglutiné à la toile que tout
va bien. Liker un paquet de
niaiseries. Passer à côté de sa vie.
Revenir à la maison, crevée.
Des miettes sur le comptoir. La vaisselle sale empilée dans l’évier. Partir à
brailler. Se faire un Ramen pour apaiser sa peine.
Se vautrer dans le canapé. Le
son blanc de la télé. L’esprit en déroute, les yeux dans la brume. Ouvrir une
bouteille de rouge. Boire une bouteille de rouge. Vomir une bouteille de rouge.